M E S A N N E E S C O U E T T E S

tu mettras bien ta jupe du dimanche
avec
Quelquefois, il ajoutait :
Ça fera plaisir au petit Jésus...
Je ne savais jamais
quoi répondre...
Août 2008
L' H E U R E D E
L A R E C R E A T I O N
Mai 2012
Je m'en souviens,
c'était un matin...
La maîtresse m'avait demandé
de rester dans la classe,
au début de la récréation,
pour essuyer le tableau...
Il y avait tout plein de verbes,
écrits soigneusement en gros,
à la craie de nos enfances,
certains en couleur,
et j'avais pris tout mon temps.
J'ai toujours adoré essuyer
ce grand tableau vert sombre,
toute seule, comme une grande...
Pour le haut, c'était difficile,
il fallait que je me mette sur la pointe des pieds.
L'estrade craquait à chaque fois.
J'aimais bien m'appliquer.
Après,
je savais que ce serait le calcul,
mais ça, j'aimais moins...
Quand toutes mes copines étaient sorties en courant
dans la cour de tuffeau,
sous les trois tilleuls qui jaunissaient tranquillement,
un peu davantage chaque jour,
en sentant déjà bon les feuilles mortes
qu'on ramasserait bientôt à la pelle...
... et, au moment où elles étaient toutes bien occupées
à s'amuser en piaillant,
avec des osselets, des cerceaux,
des cordes à sauter ou des images à échanger...
...la maîtresse m'a demandé gentiment,
mais un peu solennellement, je crois,
de m'approcher un peu de son bureau.
Elle sentait toujours bon...
Sur ses épaules toutes douces,
elle portait souvent,
très simplement,
un petit corsage blanc en dentelle d'autrefois.
Sa jupe écrue était ample, ondulante,
serrée à la taille
et très sage.
La ceinture,
à motifs traditionnels,
était brodée et finement ouvragée...
Mais jamais de chignon ni de vieilles lunettes,
comme les autres maîtresses...
Souvent,
elle se faisait de belles longues tresses blondes,
avec, au bout,
un petit noeud de ruban russe
très coloré, très joli,
que j'avais quelquefois envie de toucher
secrètement...
Sur mon livre de géographie, le soir,
je regardais souvent avec Papa,
l'Ukraine et la mer Noire..
Au coin du bureau,
fixé solidement sur la gauche,
il y avait une drôle de petite machine noire qui brillait
et qui taillait parfaitement les crayons de bois,
quand on tournait bien comme il faut la petite manivelle...
A la fin,
en ouvrant grand les yeux,
on mettait délicatement son doigt sur le pointu,
c'était magique !
Ce jour-là,
je m'en souviens,
il y avait une belle lumière oblique d'automne
qui, à travers les vastes fenêtres à petits carreaux,
faisait danser très joyeusement,
au-dessus de la haute pile des cahiers violets,
des milliers et des millions
de minuscules grains de poussière
de craie blanche...
J'aimais beaucoup ces moments-là.
Alors,
avec son délicieux petit accent slave,
un peu chantant, un peu sautillant,
et en posant doucement
son beau regard bleu pastel sur mes yeux fiers,
elle avait dit :
" Dis-moi, ma Loop,
j'aimerais bien savoir
où tu as appris à lire et à écrire... "
Alors moi,
j'avais regardé le petit noeud bleu et rouge,
un peu coquin,
de ses longues tresses blondes
et j'avais dit tout bas :
" Dans les lettres d'amour de ma Grande Soeur,
mais il ne faut pas le répéter,
Maîtresse... "
Pénélope Estrella-Paz
L'image :
L'école communale de Savennières,
en Anjou,
là où a grandi Danièle Sallenave :
Olia : Clic !
Odeur des pluies de mon enfance : Chic !
Loop se déguise en maîtresse d'école : Hop !
.
Pour mes douze ans,
ma tante Amélie
m'avait offert
ce livre-là...
Pénéloop
.
L E V E R D E L U N E
D E S I R D E L' A U T R E
Juillet 2009
Golfe du Morbihan
Il m'avait dit :
Oh! My Loop !
Ce soir, je vous attendrai au pied du phare,
au bout de la jetée...
Assis sur le granit usé, lisse,
tout encore chaud,
on regardera, sans rien dire, à l'horizon mauve,
le soleil décliner lentement,
marche après marche,
degré après degré,
pour s'abîmer enfin, fragile,
dans les loins outremer...
On ne bougera pas.
On restera là, comme ça.
Petite brise fébrile sur vos épaules nues...
Patiemment,
on guettera longtemps
le lever de la lune...
En silence, on grignotera
quelques Petits Ecoliers...
***
Et puis, sait-on jamais,
si, ce soir,
la Providence avait la douce délicatesse
de m'offrir un présent,
peut-être,
avant minuit,
aurez-vous un peu froid...
Pénélope Estrella-Paz
.
Vous trouverez chez Juliette,
sur les pages de septembre dernier,
six autres Levers de lune...
.
L A G R A N G E
A U X
F O I N S
Avril 2012
Maman disait
qu'il était beau comme un dieu...
Je m'en souviens...
On venait juste de fêter ses 32 ans...
Un beau jour de printemps,
on était allés jusqu'à la mare aux épinettes
multiplier les brioches
pour les canes et les canards.
J'adorais faire des miettes avec lui,
assise sur une large dalle d'ardoise,
bien chaude au soleil,
au milieu des cardamines et des fritillaires...
Des populages des marais,
aussi...
Ce jour-là,
on aurait dit qu'il avait
comme un pressentiment...
On avait poussé la barrière
et franchi tranquillement la dernière haie.
On allait apercevoir bientôt
la grange aux foins.
On connaissait bien le chemin.
A un moment,
machinalement,
il avait cueilli un Rameau.
D'aubépines, je crois...
En regardant vers le ciel,
il avait dit d'un air un peu mystérieux :
" Oh ! My Loop !
Vous savez,
on ne sait jamais
ce que la vie nous réserve...
Mais, si un jour,
il m'était donné de pouvoir
tout recommencer à zéro
et de démarrer vraiment
une nouvelle existence,
toute vierge,
il y a une chose
qui me ferait vraiment très plaisir...
Sa voix s'était faite soudain
encore plus douce...
On a marché moins vite
et
je l'ai regardé sans rien dire...
" My Loop,
voilà ce que j'imagine.
Ce serait,
comme aujourd'hui,
un très beau dimanche matin de printemps.
Les cloches de St Benoît sonneraient à toute volée.
L'air, d'un coup, se ferait plus léger.
Tout nous sourirait soudain.
Les cardamines et les fritillaires.
Les populages des marais aussi...
Comme aujourd'hui,
on marcherait, main dans la main,
vers la grange aux foins...
On ferait encore mine
d'y chercher des petits oeufs en chocolat...
Et si, d'aventure,
ce jour-là,
pour mon plus grand bonheur,
vous portiez,
sait-on jamais,
votre petite jupe blanche,
vous savez,
celle du jour du diable
à Montsoreau,
Eh bien,
je crois que, pour moi,
à cet instant,
ce serait vraiment
le Paradis sur Terre...
Pénélope Estrella-Paz
Montsoreau :
Sur le livre papier : page 37
Sur ce blog :
taper sur Google : " orée gentil diable "
Première publication de cet article : Avril 2012
.
C'est une tradition dans ma famille.
Aux derniers feux de l'été,
à l'Orée de l'automne,
nous escapadons...
C'est comme ça.
Certains disent que c'est péché.
Je ne sais pas.
Moi,
je pense à Puylaurens et à ses hérétiques...
Just for you,
je vous ai préparé pour chaque jour
une douce vieillerie...
Chez nous,
on a également le culte des anciens
papiers...
C'est comme ça.
Loop
La douceur de mon amie Marianne
pour vous dire
à bientôt...
Maman
écoutait cette chanson
quand elle était au pair en Angleterre.
.
P O R T B L A N C
Août 2012
Je m'en souviens.
On attendait tranquillement
le bateau pour l'Île aux Moines.
Il n'était pas midi,
mais il faisait vraiment très chaud...
Alors,
on s'est éloignés un peu
du quai déjà bien encombré.
Des malles, des caisses, des épuisettes...
Des conversations mêlées,
des enfants très polis
et très beaux,
avec leurs petits maillots rayés,
comme sur les anciennes cartes postales...
Trois mouettes,
deux goëlands...
Très grave,
comme essoufflée,
une invisible corne marine
dans les lointains couleur d'écume...
Algues menues et insouciantes.
Derrière son étal,
j'ai vu la petite marchande de glace
sourire gentiment...
A demi mot,
elle nous a proposé
l'hospitalité fraîche
de son vélum coloré...
Je ne sais pas pourquoi,
elle me faisait penser
à Andersen.
Et puis, silencieusement,
il s'était écarté
juste de quelques pas...
Soudain,
je l'ai senti un peu pensif,
un peu ailleurs...
Il a dit simplement :
Oh ! My Loop !
Je ne sais pas pourquoi,
mais il y a des moments
où je ne réussis pas
à vous regarder bien dans les yeux..
.
L A T R E S S A I N T E T R I N I T E
Image Edward J Riverclyde
Août 2012
J'aimais beaucoup
son petit accent du Sussex...
D'abord,
je l'avais pris pour l'archevêque de Canterbury,
mais non,
ce n'était pas lui...
Il s'était approché de nous
avec beaucoup de délicatesse,
une très grande politesse,
et il avait dit presque tout bas,
très gentleman,
en rougissant à peine :
" Oh ! My God !
Excuse-me...
Je ne voudrais pas vous déranger,
mais serait-il possible que je fasse juste
une petite photographie de vous,
with my little camera,
là, comme ça, très simplement,
sans vous opportuner aucunement ?
Ce serait pour moi, today, really,
l'occasion divine et rêvée
d'honorer la Très Sainte Trinité... "
.
Scènes de la vie de Loop
L O O P
P R E N D L E T R A M
Juin 2012
.
A l'Orée
des peut-être...
On m'a dit
que tout était possible...
Dois-je le croire ?
Loop