M A M A N
L I T T R O P B I E N . . .
Janvier 2012
C'était dimanche soir.
Je venais juste de finir de relire
mes lettres d'amour...
Maman a frappé doucement.
Je te fais un bisou, ma Loop,
avant de dormir ?
Moi, j'ai dit :
Tu me racontes une histoire, avant ?
Elle est allée dans sa chambre.
Elle est revenue avec un petit livre,
genre Livre de Poche...
Exprès, elle cachait la couverture...
Elle a approché silencieusement
le tabouret de mon lit.
Bois de pin.
Scandinave.
Elle a allumé sa lampe poche, clic,
et
elle a éteint la lumière, clac...
Scratt !
Elle a allumé aussi
toutes les fines bougies rouges
du chandelier en étain.
Hum...
ça sent bon...
Depuis que je suis toute petite,
c'est son rituel...
Elle le tient de sa Maman,
Mamie Carmen
de Cantillana.
Et elle y tient beaucoup, à ce rituel.
J'ai toujours adoré ce moment-là...
Tu es prête ?
J'ai bien remonté doucement
ma couette bleu nuit
jusque sous mon menton.
Dimanche soir,
j'avais ma petite nuisette blanche,
celle qui est très légère,
je ne la sentais presque pas...
Maman ne pouvait pas le savoir,
mais je tenais mon petit félin,
bien sagement,
sur mon ventre.
Sans bouger.
J'ai fait :
Mmmmmm...
Alors, ferme bien les yeux, maintenant...
Maman
a attendu encore
quelques instants...
Elle dit toujours :
Le silence,
ma Loop,
c'est très important,
avant une histoire
ou avant les câlins...
Papa aimait quand elle disait ça,
je m'en souviens.
Et puis elle a commencé.
Maman lit trop bien...
Cette femme me fascinait.
J'aurais voulu
que le monde s'arrête de tourner.
Que cette nuit ne finisse jamais.
Je ne voulais plus la quitter.
Plus jamais.
Je voulais rester avachi dans le fauteuil
et l'écouter raconter sa vie
jusqu'à la fin des temps.
Je voulais l'impossible...
Sans le savoir,
j'inaugurais là
la teneur de notre histoire...
...des heures supendues,
irréelles,
impossibles à retenir,
à endiguer.
Et puis,
elle s'est levée.
Elle travaillait tôt le lendemain.
Je me suis levé en même temps qu'elle.
Mon coeur me lâchait de nouveau.
J'avais peur de la perdre.
Elle a souri.
Elle ne disait rien.
Elle souriait.
Je l'ai embrassée.
Sa bouche était fermée.
J'ai embrassé son sourire.
Elle a secoué la tête
et m'a repoussé gentiment.
" J'aurais pu tomber à la renverse... "
***
Nous avons traversé Paris
en nous donnant la main.
Le soleil n'en finissait pas
de se coucher.
Je me souviens du premier soir,
de son goût salé.
Elle avait dû se baigner
juste avant de prendre le train...
Devant la porte d'embarquement,
elle m'a déclaré :
" Je vais essayer de vivre sans vous.
J'espère que j'y arriverai.... "
Je n'ai pas eu le courage
de l'embrasser...
Mais moi,
je dormais déjà...
Maman a dû souffler
les bougies une à une,
et sortir,
comme à son habitude,
à petits pas de souris...
Quelqu'un a reconnu le livre ?
Je vais bientôt préparer
une page " ouverte "
sur cet auteur...
B r a v o !
Mars 2012
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