à Marie Rouanet
L E G O Û T D E
L' A M O U R . . .
La Rochelle
Novembre 2010
C'était
une vieille dame.
Je devais être tracassée
un peu
par quelque chose,
car j'avais renversé maladroitement
un petit vase
sur le marché aux fleurs.
Tout de suite,
elle s'était penchée
pour m'aider à réparer
les légers dégâts,
tout en se moquant gentiment
de moi.
Tout le monde autour
a ri un peu
et
c'était très bien comme ça.
Elle a dit :
" Moi, c'est comme ça.
Tous les samedis,
je m'achète sept roses.
Celles-là,
elles tiennent très bien. "
La marchande était contente,
elle a acquiescé.
J'allais m'éloigner
quand j'ai eu la bonne idée du jour.
" Vous n'avez pas envie que je vous offre
un petit café, à côté ? "
Elle a répondu tout de suite
dans un éclat de rire :
" Vous savez, moi, personne ne m'attend,
alors, moi,
j'ai tout mon temps... "
En moi-même, je me suis dit :
" Jolie, la rime ! "
Depuis que je suis toute petite,
je ne sais pas pourquoi,
j'ai toujours eu beaucoup de tendresse
pour les vieilles dames
qui ont la fibre littéraire...
*
*
*
Alors,
je l'ai emmenée sous les arcades,
dans une splendide brasserie
Art déco
qui donne sur la grand' place
et que j'avais repérée
juste avant.
Moi, j'adore offrir un verre
à des inconnu(e)s,
ça fait partie de mes petits plaisirs.
On a donc papoté un moment,
on s'est raconté un peu
des trucs
de notre vie...
C'est toujours plus facile
avec des gens
qui ne nous connaissent pas.
Et puis,
elle s'est levée d'un bond,
comme une jeune fille,
en déclarant à la cantonade :
" Bon.
Personne ne m'attend,
mais il faut que j'y aille ! "
Elle m'a embrassée
comme si j'étais sa petite fille.
Avant de s'éloigner,
elle m'a glissé,
presque tout bas :
" Vous savez, Pénéloop,
on a au moins
quelque chose en commun,
toutes les deux...
*
*
*
... C'est le goût de l'amour ! "
Pénélope Estrella-Paz
.