U N E S E M A I N E
S A N S B . B .
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Quelquefois, je le savais,
il avait besoin de parler de sa vie d'avant.
Il le faisait toujours
avec beaucoup de simplicité et de modestie.
Un soir,
c'était l'automne dernier,
on revenait d'une belle cueillette aux champignons.
J'adore l'omelette aux cèpes !
Je venais juste d'allumer une petite flambée
dans la cheminée
et on s'était installés tranquillement,
côte à côte, sur le petit sofa.
La pièce était encore dans la pénombre
et il a attendu
que le feu commence à crépiter
pour commencer...
Vous savez, my Loop,
c'était une autre époque...
Dieu venait tout juste de créer la femme.
Bon.
Je ne vais pas vous raconter ma Vie Privée,
mais Gunter Sachs
devait la marier dès le lendemain,
à Las Vegas,
à l’aube d’un 14 juillet mémorable.
Donc, c’était un matin, très tôt.
Au téléphone, elle m’avait dit,
un peu excitée, un peu inquiète :
« Tu comprends, ces jours-ci,
j’ai quelques obligations familiales,
mais, on est mercredi,
et, je te le promets,
la semaine prochaine, jeudi, à 8 heures pile,
je serai là… »
Moi, sur le coup, j’ai été un peu sonné,
mais, finalement, question d’éducation sans doute,
j’ai décidé de rester fair play.
Alors,
j’ai promis de rester enfermé
dans mon placard,
pendant toute cette longue, longue, interminable semaine.
Dans un placard,
comme dans les vaudevilles d’autrefois.
Comme chez Labiche.
Comme chez Courteline.
Je t’aime, moi non plus…
Une semaine dans un placard…
Je ne sais pas si ça vous est déjà arrivé,
mais c’est une expérience un peu particulière…
Dans le noir,
des images folles se bousculaient dans ma tête.
Je la revoyais, l’été dernier,
danser un mambo terrible
sur une toute petite table de café,
une nuit torride, à St Tropez…
Bonnie and Clyde,
sur la plage abandonnée,
coquillages et crustacés…
Heureusement,
la Providence allait veiller sur moi.
Dès la première heure,
Gainsbourg était venu m’apporter des oranges,
6 packs d’eau, deux de ré, 4 de mi, 3 de fa et 7 de sol.
Plus quelques sucettes, évidemment...
Le deuxième jour,
Jacques Charrier, plutôt nerveux,
était passé rapidement chercher, dans l’autre placard,
un paquet de couches pour Nicolas.
Sans même me saluer.
Moi, j’ai pris ça un peu pour Le Mépris.
Tu les aimes, mes jambes ?
Tu les aimes, mes seins ?
Tu les aimes, mes fesses ?
Ponctuel comme une montre suisse,
Godard, l’après-midi même,
avait grimpé les escaliers quatre à quatre
pour m’offrir, très gentiment,
du bon chocolat des montagnes,
vous savez, celui avec la jolie petite vache mauve,
toute mignonne, sur la tablette !
Quel délice !
Sacha Distel,
quant à lui, le bougre !
m’avait adressé, dans la soirée,
un SMS on ne peut plus laconique :
« Ah ! La belle vie ! »
Moi, j’ai encore pris ça pour Le Mépris.
Bon.
On va dire, alors,
qu’il s’agissait d’une reprise…
Bref !
Faisons court, faisons court métrage…
Les minutes ont passé, les heures ont coulé,
les jours ont défilé,
comme au 14 juillet,
tant bien que mal,
même si c’était plus mal que bien…
Il fallait absolument que j’honore ma promesse…
Non, quoi qu’il en coûte,
je ne quitterai pas mon placard !
S’il le faut,
je serai l’ombre de ton ombre,
l’ombre de ta main, l’ombre de ton chien…
Chaque soir,
je peux l’avouer aujourd’hui,
j’ai prié la Vierge Marie…
Et le matin aussi.
Viva Maria !
Et puis, enfin !
Enfin !
Jeudi, jeudi chéri, jeudi adoré arriva !
A 8 heures pile, elle était là !
Brigitte avait tenu parole.
Paroles, paroles…
Tu les aimes, mes jambes ?
Tu les aimes, mes seins ?
Tu les aimes, mes fesses ?
Voilà, my Loop,
vous savez tout...
Pénélope Estrella-Paz