U N E V I L L E ,
L A N U I T . . .
J’avais du courrier ce matin…
Ma chère Pénéloop,
je vous écris du Bout du Monde…
J’ai reçu votre SMS cet après-midi à 16 h 02.
Vos cinq mots m’ont suffit pour comprendre
que votre sentiment était toujours vif pour moi,
mais que tout devenait maintenant vraiment trop dur,
trop compliqué, trop douloureux,
et que, finalement,
vous aviez choisi de ne pas ajouter
de la peine à Sa peine,
lui, si doux, si attentif, si aimant…
La tête m’a tourné, presqu’un vertige.
Mais j’ai aussitôt décidé
de faire quand même cette visite
( que nous devions faire l’un près de l’autre )
t o u t s e u l .
J’ai rapidement franchi le pont-levis,
j’ai acheté mon billet.
En un clin d’œil,
je me suis retrouvé dans cette cour intérieure,
si propre, si belle, si bien ordonnée,
s i v i d e …
Ce château d’Angers, pourtant,
je le connais par cœur,
avec toutes ces fois où, depuis dix ans,
j’ai accompagné des groupes de lycéens
rieurs et curieux.
Alors,
j’ai erré sur le chemin de ronde,
la tour du moulin,
la porte des champs,
la chapelle, le logis royal, les fossés-jardins,
le fantôme du Roi René,
le schiste et le tuffeau,
la fameuse tapisserie de l’Apocalypse…
Risible !
Oui, pour moi, c’était bien un peu l’apocalypse…
J’étais devenu un zombie, un martien.
( même pas un touriste )
Le soir tombe vite en novembre.
Je me suis affalé sur un banc de pierre
dans la roseraie.
J’ai fermé les yeux.
Mes joues froides et chaudes.
Je flottais…
Bruits de pas sur le gravier,
la voix bienveillante d’un jeune gardien :
« Je suis désolé, on va bientôt fermer, Monsieur… »
J’ai repassé le pont-levis,
ses vieilles planches résonantes
sous mes mocassins.
Nuit, complètement nuit, maintenant.
Je ne sais pas ce qui m’a pris.
Au lieu de prendre vers la droite
la rue pavée
qui mène au centre ville,
je me suis dirigé sans raison vers la gauche :
une placette quasi campagnarde,
située en belvédère,
( romantique à souhait )
et qui,
du haut des ses vingt mètres,
domine majestueusement la Maine
et les quartiers d’Outre-Maine.
Les angevins l’aiment beaucoup et l’appellent :
« la promenade du Bout du Monde. »
J’ai posé mes coudes
sur le muret d’ardoise froide.
Je me suis penché,
le spectacle était fascinant.
Juste en bas,
la Maine, ruban sombre et silencieux,
et partout,
mille et mille petites lumières scintillantes,
presque joyeuses.
La nuit, la ville…
Je me suis surpris à égrener tout haut des noms :
Pont de la Basse-Chaîne,
Pont de Verdun,
Pont de la Haute-Chaîne,
Quai de la Savate
La Doutre, St Nicolas, le Ronceray…
Et là,
la réalité m’a à nouveau sauté au visage !
Brutalement.
***
Pénéloop,
à cet instant-même, vous auriez dû être là,
tout près de moi, à ma droite.
Silencieuse et émerveillée.
Je n’aurais même pas cherché à vous embrasser,
j’aurais juste, très délicatement,
posé mon bras sur votre épaule.
Vous auriez frissonné imperceptiblement,
j’aurais penché légèrement ma tête
pour respirer
le si doux parfum de vos cheveux,
et puis,
pour vous amuser un peu,
j’aurais peut-être dit tout haut :
« Pénéloop, avec vous,
c’est beau,
une ville, la nuit… »
*
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Le Château d’Angers :
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