S O U S L E S P I N S
D E
T O S C A N E
Image Frieda
Je portais
des dessous blancs,
tout simples...
Il était le seul à le savoir.
Music, please....
Ces jours-là,
il fallait que je l'appelle
Monsieur.
Il ne l'exigeait pas,
non,
mais je savais qu'il valait mieux
que je porte ma petite robe noire,
celle qui flotte légèrement au vent,
à peine courte,
si peu échancrée...
Ma petite robe noire,
mais aussi le très joli tablier
de dentelle blanche de Séville,
celui que portait ma grand-mère Dolorès,
juste avant son mariage
avec un lieutenant de vaisseau...
J'aimais beaucoup
ma grand-mère Dolorès...
Je me souviens,
un jour,
c'était juste avant les vêpres...
La petite cloche avait tinté au loin,
dans les frondaisons.
Je m'étais approchée
d'un pas léger,
comme à quinze ans...
Il était installé tranquillement
dans la balancelle,
tout près de la remise aux fiacres.
Dans ce coin du parc,
un peu à l'écart,
j'aimais bien les odeurs fortes
de bêtes, de glycines de foins mêlées...
Il avait trois brins de muguet fragile
posés sagement sur ses genoux,
qui se balançaient d'avant en arrière,
presque musicalement,
d'une manière quasi hypnotique...
D'un geste silencieux et sûr,
il les avait glissés un à un,
lentement,
dans mon chignon sage...
Eloge de l'ornement surrané...
Tout en continuant à se balancer
avec une nonchalance d'un autre temps,
baigné dans l'ombre claire
de nos pins de Toscane,
il m'avait fait signe de m'asseoir
sur la margelle...
Longuement,
il m'avait regardée,
de loin,
avec une subtile légèreté,
une étrange douceur
que j'avais si peu connue auparavant...
Très haut, là-haut,
dans le soleil ébloui,
un oiseau lige invisible
avait poussé trois cris
brefs et aigus...
J'en ai presque sursauté.
C'était peut-être le signal
qu'il attendait.
Alors,
ses yeux avaient quitté
très paisiblement et très respectueusement
mes jambes pour mes yeux
et il m'avait demandé
avec beaucoup de gentillesse :
Oh ! My Loop,
Je vous prie,
Versez-moi le thé
Dans la belle tasse chinoise
Où des poissons d'or cherchent noise
Au monstre épouvanté.
J'aime la folle cruauté
Des chimères qu'on apprivoise...
Oh ! My Loop !
Versez-moi donc le thé
Dans la belle tasse chinoise....
Là, sous un ciel rouge irrité,
Une dame fière et sournoise
Montre en ses longs yeux de turquoise...
...l'extase et la naïveté...
Oh ! My Loop,
Je vous en prie,
Daignez me servir le thé...
D'après Théodore de Banville : " Le thé. "
La vie Théodore : Clic !
Pénélope Estrella-Paz
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