U N E N U I T
D A N S L E S M O N T S Z A G R O S
Mars 2014
Sous la tente,
j’avais allumé la lampe à huile,
disposé délicatement grenades et pistaches
dans une fine coupelle bleue
décorée des très subtiles arabesques de la région du Fars...
J'avais ajouté quelques écorces d'oranges amères,
deux ou trois brins de chèvrefeuille,
et puis repris, enfin, mon fidèle luth...
Tout bas, à mon oreille charmée,
il me contait tendrement la magie
de la si lointaine, si énigmatique Loire,
sa fougue printanière et sa paresse estivale,
ses innombrables caprices de princesse,
ses ciels d'été si pastel et si changeants,
Azay le Rideau, Chambord et Chenonceau,
les vins de Touraine, aux discrets arômes de fruits rouges
et ceux des coteaux du Layon, si ambrés et si moelleux...
Pour moi, c'étaient aussitôt des images
et des sensations de bout du monde,
avec une indicible et délicieuse saveur d'interdit...
Un instant, même,
j'imaginais voir apparaître dans notre ciel,
ici et maintenant,
un luxueux tapis volant providentiel,
échappé de quelque récit merveilleux des Mille et une nuits...
Tout en servant délicatement le thé noir de Gilan
délicieusement sucré aux éclats de nabot safrané,
je lui murmurais le grand escalier de Persépolis,
les jardins fleuris de Hafez à Shiraz,
le Palais Hasht Behesht à Ispahan,
le si majestueux Pont aux 33 Arches,
si féerique la nuit,
la magnifique histoire d’amour légendaire
entre Shirine et Farhad,
une histoire d'un autre âge,
mais qui me donne les larmes aux yeux quelquefois...
Cette nuit-là,
dans notre vallée heureuse,
perdue au cœur des monts Zagros,
le temps semblait s’être arrêté pour toujours…
Au fil des heures,
l’aurore avait beau tenter de bleuir peu à peu,
les dernières étoiles, insolentes,
refusaient obstinément de s’éteindre…
Jasmine Sharzad
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